Les enfants productifs, font-ils des parents heureux ?

Dès la fin de la section des moyens dans les lieux d’accueil collectif et dans la crainte que leur enfant échoue dès la maternelle, certains parents font du lieu d’accueil un lieu d’apprentissage « actif » comme ce serait le cas à l’école.

« Ma fille n’a pas fait de dessins aujourd’hui ? Alors que d’autres enfants en on fait… Mais, alors qu’a-t-elle bien pu faire de toute la journée ? » Autant de phrases dites avec désapprobation quand les parents viennent chercher leur enfant et que le/la professionnel (le) de la petite enfance n’a tendu aucun dessin, aucun collage ou coloriage… c’est-à-dire aucune production. Pourquoi un tel désir de productivité ? Sans doute que les parents craignent que leur enfant s’ennuie, qu’il perde son temps alors que l’entrée à l’école arrive à grands pas. Les raisons peuvent être diverses bien évidemment, mais cette course à la réussite, certains enfants la connaissent dès le berceau.

Les parents cherchent à tout prix à préserver le jeune enfant « de l’ennui » et ne supportent pas qu’il soit inactif de peur qu’il devienne passif voire paresseux.

Encourager un enfant à « ne rien faire », ce que certains parents pourraient qualifier d’ennui lui permet alors de se plonger dans un monde imaginaire qui participe à son développement, l’aide à s’épanouir, à devenir créatif, à être un bon observateur, etc. Et même si l’enfant ne produit rien, l’ennui n’y a pas de place. Comment les tout-petits pourraient-ils se lasser d’un monde qu’ils ne connaissent pas encore vraiment et qu’ils sont en train de découvrir ?

Cette course à la productivité pose aussi le problème de la comparaison. Lorsque dans les lieux d’accueil les différentes œuvres des enfants sont affichées dans le hall d’entrée où les parents peuvent les admirer et que le prénom est indiqué, « de nombreux parents vont alors tomber dans le piège de la comparaison. Après avoir identifié celle de leur enfant, ils vont la mettre en perspective avec celles des autres ». Cette comparaison leur permettra de mieux situer leur enfant et son niveau de compétences par rapport à sa tranche d’âge. Cette situation peut être source de malaise lorsque l’un des enfants accueillis est en situation de handicap ou qu’il présente un retard de développement.

Cette course aux belles productions de l’enfant a évidemment ses limites. Si vous parvenez à présenter un joli dessin, certains parents se diront que vous êtes un/une bon (ne) professionnel (le) puisque vous êtes parvenu (e) à « booster » leur enfant pour qu’il donne le meilleur de lui-même. Vous êtes sensible à la satisfaction des parents quant à votre travail et à la manière dont vous prenez soin de leur jeune enfant. Mais vous êtes également partagé (e) entre le désir de contenter les parents d’une part et vos valeurs pédagogiques d’autre part, donc soit entre l’intérêt des adultes et celui des enfants. En cherchant à satisfaire les parents, certains (es) professionnels (es) entrent dans un cercle vicieux et en viennent à retoucher eux-mêmes le dessin de l’enfant. Au final, ce n’est pas tout à fait la production de l’enfant ni celle du/de la professionnel (le) mais plutôt d’un compromis entre les deux. Les professionnels (les) « finissent alors un peu coincés entre leur volonté de faire plaisir aux parents et cette petite voix pédagogique qui leur susurre à l’oreille de laisser cet enfant tranquille ».

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